Nous vous proposons ci-dessous un nouveau bilan hebdomadaire des marchés de la semaine passée. Bonne lecture.
Washington éteint, Wall Street allumé
Cette semaine encore, les marchés financiers ont donné une belle leçon de sang-froid… ou d’insouciance, selon le point de vue. Alors que les États-Unis mettent partiellement à l’arrêt leur administration, les drones russes tournent à plein régime , en survolant des territoires membres de l’Union européenne et de l’OTAN, ravivant les inquiétudes sécuritaires sur le continent.
En France, Sébastien Lecornu tente toujours de composer un budget dans un paysage politique éclaté, dominé par trois blocs incapables de s’entendre.
Dans ce contexte, le spectre d’une “dissolution V2” se précise, accentuant l’incertitude politique. Malgré ces turbulences, les marchés boursiers continuent de voir le verre à moitié plein, considérant ces risques comme temporaires ou contenus, tandis que les facteurs économiques et monétaires demeurent les vrais moteurs de la tendance boursière.
Shutdown américain : un risque… interprété comme une opportunité
Aux États-Unis, le shutdown intervient lorsqu’aucun accord n’est trouvé entre démocrates et républicains sur le budget fédéral. Sans vote, une partie de l’administration ferme : c’est une paralysie budgétaire officielle et immédiate.
Rien de plus parlant qu’un bon exemple… Prenons la situation d’un pays aux couleurs bleue, blanche, rouge qui a eu la brillante idée de dissoudre son Assemblée en juin 2024… Depuis, il navigue sans budget adopté, coincé entre trois blocs politiques incapables de s’entendre. À la différence des États-Unis, les fonctionnaires continuent d’être payés, mais sur le fond, on n’est pas très loin d’un shutdown… à la française.
Dans les deux cas, cela génère un impact économique non négligeable pour les finances de l’État. Les législatives anticipées de juin 2024 ont, selon les estimations, cumulé un coût négatif sur le PIB de près de 4 milliards d’euros, soit deux fois plus que le rendement attendu d’une hausse de la flat tax de 6 %, présentés par ailleurs comme ciblant les “ultra-riches”, mais qui toucherait en réalité l’ensemble des épargnants (livrets bancaires ordinaires, Plan d’épargne logement, assurance-vie, etc.), petits porteurs et retraités complétant leurs revenus grâce à leurs placements.
Attention à ne pas glisser dans la digression politique, même si la frontière avec l’économie est parfois poreuse dans notre métier ! L’objectif ici est d’analyser les conséquences économiques concrètes, sans jugement partisan. Revenons de l’autre côté de l’Atlantique, où depuis le 1er octobre, des millions de fonctionnaires sont temporairement mis au chômage, certaines agences sont fermées ou tournent au ralenti. Et là aussi, cette situation a un coût.
À court terme, la croissance américaine est généralement amputée de 0,1 à 0,2 point de PIB par semaine de shutdown, soit environ 28 milliards de dollars pour l’économie américaine. Pour donner un ordre d’idée, 28 milliards de dollars correspondent à la taille du PIB annuel d’un pays comme l’Estonie ou à peu près au budget annuel de la NASA.
Seulement, fidèles à leur méthode Coué, les marchés préfèrent analyser cette situation sous un autre prisme : celui de l’anticipation d’un nouvel afflux de liquidités en provenance de la Réserve fédérale américaine.
Rappelons que la Fed a un double mandat : assurer la stabilité des prix et le plein emploi. Or, la fermeture d’une partie de l’administration entraîne la mise au chômage technique de plusieurs millions de fonctionnaires, ce qui aura inévitablement un impact négatif sur le marché du travail.
Parmi ces personnels figurent notamment ceux du Bureau of Labor Statistics (BLS), l’organisme chargé de publier chaque mois les chiffres de l’emploi. Ce rapport est un indicateur clé pour la Réserve fédérale, car il oriente en grande partie ses décisions de politique monétaire. En l’absence de données fiables, comme cela a été le cas vendredi dernier, l’institution pourrait considérer cette situation comme un facteur de risque supplémentaire, susceptible de renforcer l’hypothèse d’un soutien monétaire accru.
IA : une “économie circulaire” entre géants
Enfin, difficile de ne pas évoquer la vague de l’intelligence artificielle qui continue de déferler sur les marchés, où des contrats aux montants pharaoniques se sont enchaînés ces derniers jours. CoreWeave (fournisseur d’infrastructures cloud à haute performance) a ainsi signé un accord de 14,2 milliards de dollars avec Meta pour lui fournir des capacités cloud dédiées à l’IA, tandis qu’un autre contrat de 6,3 milliards a été conclu avec NVIDIA, qui s’est engagée à racheter toute capacité non utilisée.
Dans le même temps, NVIDIA a annoncé un investissement pouvant atteindre 100 milliards de dollars dans OpenAI, afin de déployer une infrastructure de 10 gigawatts reposant sur ses propres systèmes. Cette succession d’accords illustre une forme d’“économie circulaire” technologique, dans laquelle quelques acteurs majeurs se financent et se rééquipent mutuellement, concentrant ainsi l’essentiel des flux financiers et stratégiques de l’écosystème IA.
Cette économie circulaire entre quelques acteurs — où les uns financent les autres pour qu’ils leur achètent leurs propres technologies — soulève aussi des questions. Elle crée une forte interdépendance financière et technologique entre un nombre très limité d’entreprises, concentrant les flux de capitaux, d’innovation et de pouvoir.
Ce schéma n’est pas sans rappeler, comme évoqué dans notre newsletter de la semaine passée, des mécanismes similaires observés au tournant des années 2000 : une croissance alimentée par des investissements croisés, une forme d’entre-soi économique, et une valorisation parfois déconnectée des fondamentaux réels, qui avait contribué à amplifier la bulle technologique jusqu’à son éclatement.
Aujourd’hui, la dynamique est différente dans la nature des acteurs et des technologies, mais le degré de concentration et d’interdépendance reste un facteur de vulnérabilité systémique. Si l’un des maillons venait à vaciller, c’est toute la chaîne qui pourrait être affectée. Alors comme toujours, restons prudents !
Bonne semaine à toutes et tous !
Rédigé par Vincent BARBIER, gérant Proximité Partenaires Conseils.
*Shutdown : l'arrêt des activités gouvernementales lorsque le président et une, voire les deux chambres, n'arrivent pas à trouver un accord concernant les allocations budgétaires avant la fin du cycle budgétaire en cours.
Les performances passées ne préjugent pas des performances futures.
Les informations contenues dans cette newsletter sont arrêtées en date du 06/10/2025 et ne sont donc pas valables dans le temps.
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